Page:L’Étourdi, 1784.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
L’ÉTOURDI.


faiſait rechercher. Elle comblait ce vide immenſe qui ſe trouvait dans mon cœur depuis la perte de Mademoiſelle d’Herbeville, & que tous les plaiſirs après leſquels je courais n’avaient pu remplir. Leur tumulte m’étourdiſſait, au lieu de me ſatisfaire. Mais je ne ſentais point auprès de Madame de Preſſy ſuccéder au deſir ce dégoût humiliant pour les ames vulgaires, mon ame jouiſſait ſans ceſſe. Attaché par la tendreſſe, fixé par le plaiſir, elle me paraiſſait toujours plus belle. Pour ne pas m’éloigner d’elle je quittai le ſervice, & me fixai à Paris.

Il y avait deux ans que nous jouiſſions de cette douce ivreſſe qui fait le charme de la vie. J’étais tout pour elle, & ſans elle tout était étranger pour moi. L’amour, le plaiſir, la reconnoiſſance m’y attachaient, & j’aurais voulu pouvoir créer des nouveaux nœuds pour m’unir plus étroitement avec elle. Mais hélas ! il eſt dans mon deſſin de n’être pas long-temps heureux. M. Depreſſy devenu jaloux & méfiant, chercha à éclaircir ſes doutes. Il mit tant d’art

C 5