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L’ÉTOURDI.


déterminai à changer abſolument mon genre de vie. Je ſentais que je ne pourais trop noyer mes idées dans tout ce qui pourait affaiblir en moi le ſouvenir de celle que j’adorais encore malgré ſa perfidie. Je conçus cette réſolution avec cette force que je mets dans toutes mes idées. Je m’éloignai, dès le même jour, d’un lieu qui ne m’aurait donné que des cruels ſouvenirs. Je partis pour Paris dans l’intention d’eſſayer ce que pourait l’occupation d’eſprit contre une paſſion qui me tourmentait encore malgré les raiſons que j’avais pour l’éteindre & qui auraient dû ſuffire, ſi le flambeau de l’amour ne dévorait pas tout ce qui s’oppoſe à ſes feux.

J’éprouvai bientôt à quel point l’eſprit ſuit le cœur, & combien il eſt difficile d’arracher l’un à ce qui ſéduit l’autre. Emporté machinalement vers l’objet que je voulais toujours éviter, il ne me reſtait de mes efforts que le ſupplice de les avoir faits. J’étais ainſi tourmenté de plus en plus par l’idée cruelle de ma Roſe, lorſque Serfet, qui vint à Paris, m’apprit qu’elle n’était plus.