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L’ÉTOURDI.


qui peut me ſéparer pour toujours de ce que j’aime. Ne ſerait-ce pas tromper le mari que ma mere me deſtine que de l’épouſer le cœur rempli de paſſion pour un autre ? Je n’ai ni aſſez de force, ni aſſez d’analogie avec le crime pour ſouiller d’un parjure le lit de l’hymen. Mais j’ai aſſez de courage pour ne pas prononcer un ſerment qui ſoit démenti par mon cœur. Enfin, ma bonne amie Lucie, je ne trahirai point le Chevalier en paſſant entre les bras d’un autre, lui ſeul peut me rendre heureuſe. Être unie à ce qui n’eſt point lui, ſerait pour moi le ſupplice de ce tyran qui fit lier un de ſes ſujets avec un cadavre. Ce ſerait jeter ſur chaque moment d’une exiſtance meurtriere, la douleur des regrets, & l’horreur du déſeſpoir. Soutenez-moi dans mon accablement, aidez-moi de vos conſeils, j’en ai plus beſoin que jamais. Que dois-je faire ; je ſuis tentée d’écrire au Comte de ... & de l’engager, par l’aveu de l’amour que j’ai pour M. P. ***, de ſe déſiſter du projet de m’épouſer, n’ayant d’autres droits ſur moi que le conſentement,