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L’ÉTOURDI.

Je ne le regardais point. Les plaiſanteries qu’on lui fit, m’apprirent qu’il ne ceſſait de m’admirer. Il parla peu ; mais dans tout ce qu’il dit, il y mêla tant de graces & d’eſprit, que toute la ſociété convint qu’il était charmant. Ma mere même qui trouve des défauts dans tout ce qui n’eſt pas M. de Serfet, ne fut cette fois point injuſte. Elle le trouva très-aimable ; & moi, ma chere Lucie, comment l’ai-je trouvé ? Hélas ! ce que vous venez de lire vous l’a déjà appris. Les ſecours d’une raiſon exercée, n’ont pu m’en diſtraire ; ſans ceſſe je penſe à lui ; que tout ce que j’ai vu juſques ici, & ce que l’on dit être de plus aimable, m’a paru différent ! perſonne ne lui reſſemble ; & rien auſſi ne reſſemble à ce que je ſens pour lui… Mais que penſez-vous de l’aveu que je vous fais ? Pour moi, j’en ai honte ! Et plus je veux gronder mon cœur, plus il me démontre que des ſentimens tels que les miens ſont trop naturels & trop légitimes, pour n’être pas en quelque ſorte reſpectables.

Ce n’eſt pas tout encore, ma Lucie ;