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L’ÉTOURDI.


beaucoup d’amitié. Je me trouvai par ce moyen placé vis-à-vis ſa fille. Je n’oſais lever les yeux ſur elle, & ne pouvais pas en même temps les porter ailleurs. Un charme ſecret & invincible les y attirait malgré moi.

Comme rien n’échappe aux femmes, elles s’en apperçurent, & m’en firent des plaiſanteries, je les ſoutins mal, j’étais excédé. Le Chevalier qui donnait le ton dans la maiſon, me tira d’embarras, en propoſant de danſer ; le bal, fut des plus décens. Madame d’Herbeville me permit de danſer avec ſon aimable fille ; je lui préſentai la main ; mais je n’eus pas plutôt touché la ſienne que je ſentis mon cœur palpiter : mon émotion devint ſi violente qu’à peine je pouvais me ſoutenir. Ce fut dans ce trouble que j’achevai mon menuet, & que je la remenai auprès de ſa maman, ſans jamais oſer ni lui parler, ni la regarder.

Arrivé chez moi, je me trouvais le cœur & l’ame ſi remplis, qu’il n’y avait d’action ni dans l’une ni dans l’autre. Je ne pouvais penſer ni ſentir que confusément, je repaſſais tout ce qu’elle

  Tome I. Partie I.
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