Page:L’Étourdi, 1784.djvu/140

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
119
L’ÉTOURDI.


mais toute la confiance que j’avais ſur mes graces personnelles, avantage dont j’avais tant de fois éprouvé le pouvoir auprès d’autres femmes ; tout cela m’abandonna dès que je me trouvai vis-à-vis de Mademoiselle d’Herbeville. Tant d’attraits, tant de graces, m’interdirent & me troublerent. Pour aſſurer ma contenance, je m’approchai d’une table où l’on jouait. Un penchant involontaire me ramena bientôt auprès d’elle. Je lui tins notre langage ordinaire ; je la trouvais jolie, aimable, & lui peignais, avec énergie, les ſentimens que ſa vue m’avait inſpiré… Ici elle rompit le ſilence qu’elle avait toujours gardé, pour me dire, avec un air plein de graces, de majeſté, & de douceur, qu’elle était bien éloignée d’ajouter foi à ce que je lui diſais ; que les vrais ſentimens, les ſeuls dont on dût faire cas, étaient fondés ſur l’eſtime & la vertu, & avaient leur ſource dans la conformité du caractere & de la façon de penſer ; que n’ayant pas l’avantage d’être connue de moi, elle ne pouvait ſe perſuader d’avoir ſi vîte