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parle en révolté qui souffre des privations que le droit d’autrui lui impose ; Nietzsche parle comme un homme de gouvernement qui pèse les forces et dirige leur jeu.

e) Nietzsche estime comme Stirner que l’État est une institution religieuse et que la démocratie est la forme historique de la décadence de l’État ; mais tandis que Stirner est heureux d’hériter de la puissance de l’État mourant, Nietzsche hésite à porter un jugement sur l’évolution qu’il constate et préfère le progrès lent à la révolution. Stirner rappelle Jean-Jacques Rousseau ; Nietzche invoque le nom de Voltaire.

Dans sa troisième période, Nietzsche bâtit un système qui est la synthèse des théories qu’il avait exprimées dans ses deux premières périodes ; il semble pourtant que la partie critique de ce système soit moins importante que la partie positive. Il ne faut donc pas s’étonner si le désaccord entre les idées de Nietzsche et celles de Stirner apparaît nettement dans cette dernière période.

Stirner veut affranchir le Moi de toute hiérarchie ; Nietzsche réserve à une aristocratie le privilège de l’originalité, de l’égoïsme et de la liberté. Tandis que Stirner conçoit un Verein qui ne serait fondé que sur le contrat des égoïsmes et qui n’enchaînerait pas le Moi, Nietzsche rêve d’une organisation où la noblesse de la classe supérieure justifierait l’existence d’une