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psychologue. Tandis que Stirner veut opposer l’intérêt personnel à tout autre intérêt, Nietzsche admet qu’il y a harmonie entre l’intérêt personnel et l’intérêt général, et ne cesse pas un instant de se préoccuper du progrès de l’humanité. Tandis que Stirner demande au Moi créateur de ne pas se rendre esclave de ses créatures, Nietzsche est fidèle à son œuvre, comme la mère est fidèle à son enfant.

b) Tandis que Stirner nie toute tradition au nom de la liberté, Nietzsche s’efforce de concilier la stabilité nécessaire à tout organisme et l’aptitude au progrès ; tandis que Stirner invite chaque individu à rejeter les chaînes du passé, Nietzsche croit devoir réserver la liberté à une élite d’esprits supérieurs.

c) Tandis que Stirner proteste contre toute règle morale par désir d’indépendance, Nietzsche attaque simplement l’intolérance ; tandis que Stirner affirme la perfection du Moi souverain, Nietzsche se plaît à constater l’irresponsabilité et l’innocence des créatures ; tandis que Stirner, heureux de voir la morale s’écrouler avec le dogme, déclare que la vie individuelle n’a d’autre fin que de se dépenser en se déployant, Nietzsche souffre de vivre dans l’interrègne moral et cherche avec passion une nouvelle table des valeurs.

d) Tandis que Stirner ne voit dans le droit qu’une superstition et ne reconnaît de réalité qu’à la puissance, Nietzsche constate que les forces s’équilibrent parfois et établissent des contrats. Stirner