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d’une éducation qui rappelle la discipline militaire, et qui n’exclut ni la contrainte ni les sanctions pénales; au contraire l’éducation doit, selon Stirner, se passer de santion et de contrainte, puisqu’elle n’a d’autre but que de fortifier l’esprit d’opposition.


c) La jouissance et le but


Selon Stirner, le Moi n’a ni devoir, ni vocation, ni mission : il n’a qu’à jouir de soi. De même que Dieu ne saurait avoir de but, puisque toutes les fins sont dès le principe réalisées en lui, de même le Moi est parfait dès l’origine. Il est à vrai dire aussi difficile de donner un sens au mouvement du Moi dans le système de Stirner que d’expliquer la chute ou la création ; quoi qu’il en soit, l’Unique sur terre ne peut pas se proposer un idéal puisqu’il est comme l’Unique au ciel l’idéal réalisé.

Nietzsche, au contraire, substitue au Dieu mort le Surhomme, dont il veut préparer la naissance ; il a besoin de voir un but devant lui ; l’âme héroïque ne veut pas renoncer à sa plus haute espérance ; la liberté lui est indifférente si elle ne permet pas une grande œuvre. L’âme noble ne veut pas vivre en vain (umsonst) : que la populace accepte la vie sans chercher à se montrer reconnaissante de ce présent, l’homme supérieur se croit diminué tant qu’il n’a pas rendu plus qu’il n’a reçu[1]. Sans doute, en se proposant une fin,

  1. Nietzsche, Werke, VI, 291.