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aux castes, aux races, aux peuples, à l’humanité même d’obéir, d’obéir à une règle quelle qu’elle soit, de se soumettre à une discipline sévère, de marcher toujours dans la même direction ; et cet ordre aussi est un impératif catégorique, puisqu’il a pour sanction la vie ou la mort[1]. Nietzsche s’emporte donc contre la bêtise des utilitaires qui ne voient dans le respect des règles littéraires ou morales qu’un préjugé, et contre l’entêtement des anarchistes qui n’admettent pas la soumission à une loi sous prétexte qu’elle est arbitraire.

Aussi, tandis que Stirner demande que l’éducation respecte la libre volonté des élèves, Nietzsche fonde tout son système sur une discipline sévère ; sans doute il ne veut pas apprivoisier, dompter (zähmen) les hommes comme l’a fait le christianisme, mais il entend élever (züchten) par une méthode rigoureuse. Le mot Zucht est de nouveau son expression favorite ; le jeune philologue l’employait au début pour désigner la discipline sévère que le maître doit imposer aux élèves pour les habituer à respecter la langue, à l’exemple des classiques ; le disciple de Schopenhauer s’en servait pour recommander une discipline morale rigoureuse ; maintenant l’apôtre de la volonté de puissance y a recours pour imposer à l’humanité le rude traitement qui en fera une belle race. Mais le sens propre du mot n’a pas changé ; il s’agit toujours

  1. Nietzsche, Werke, VII, 116-118.