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a) L’individu et l’aristocratie


Nietzsche insiste de nouveau dans cette troisième période sur la singularité du Moi ; il déclare que chaque individu doit suivre son chemin propre ; il n’y a pas de chemin en soi (den Weg giebt es nicht). Chaque individu est nécessaire : il n’existe qu’une fois, et il est impossible de le suppléer. Chaque voix a son timbre ; chaque nature a sa qualité propre. Stirner concluait de ce caractère singulier, inimitable et indéfinissable de l’individu qu’il fallait affranchir tous les individus ; Nietzsche en conclut que l’aristocratie ne doit pas se conformer à la loi du vulgaire. Il s’emporte contre John Stuart Mill qui admet comme tout le monde que ce qui est bon pour l’un est bon pour l’autre et qu’il ne faut pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’il vous fît. Cette théorie suppose, selon Nietzsche[1], qu’il y a une certaine équivalence ente les actions des hommes ; elle annule le caractère personnel des actes, la valeur qui ne peut être appréciée en monnaie courante, la grâce ou la disgrâce qui ne peut être payée de retour. C’est donc une théorie bonne pour le vulgaire ; toute aristocratie est fondée sur la théorie opposée ; le noble dit : ce que je fais ne peut pas et ne doit pas être fait par les autres. Nietzsche admet comme toute aristocratie l’équivalence dans une sphère restreinte :

  1. Nietzsche, Nachgelassene Werke, XV, 458