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le patron et l’apprenti. De même, quand Napoléon fit le Concordat, il consolidait les pouvoirs légitimes, car il n’y a pas eu jusqu’ici de légitimité qui se soit passée du secours de la religion et de l’appui des prêtres. Quand au contraire les démocrates engagent l’État dans la lutte contre l’Église, il semble sans doute, au début, que l’État puise dans cette lutte de nouvelles forces ; l’ardeur du combat développe, en effet, l’enthousiasme fanatique, et cet enthousiasme s’accroît de toute la force des anciens sentiments religieux qui n’ont plus d’objet ; mais quand la lutte sera terminée, on ne tardera pas à s’apercevoir qu’en attaquant l’adoration religieuse, les mystères, toutes les institutions vénérables, on a, du même coup, ruiné le respect craintif et le sentiment de piété qu’inspirait autrefois l’État. Nietzsche est donc d’accord avec Stirner sur deux points essentiels : il admet avec l’auteur de l’Unique, d’abord que l’État est une institution religieuse, fondée sur le respect de l’autorité et la croyance à la stabilité ; puis que la démocratie, en exaltant l’État, ne fera que nous amener plus vite à le mépriser ; Nietzsche dit en propres termes que la démocratie n’est que la forme historique de la décadence de l’État[1].

Mais, bien que les deux philosophes soient d’accord sur ces deux points, leur attitude est bien différente, quand il s’agit, non plus d’interpréter les faits,

  1. Nietzsche, Werke, II, 349.