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nence de mon acte, comme le cours du fleuve s’arrête, quand l’eau s’est figée en glace immobile et froide.

Nietzsche estime, comme Stirner, que les fondements de l’État sont aujourd’hui la croyance à l’autorité absolue et à la vérité définitive[1] ; la ruine de ces croyances fondamentales entraînera la chute de l’État qu’elles soutiennent, car même dans les états militaires, la contrainte ne saurait suffire à produire les effets que produisait le respect religieux. La conception démocratique de l’État ne peut qu’en accélérer la ruine. Quand Bismark considère la forme constitutionnelle comme un compromis entre deux pouvoirs, le pouvoir du prince et le pouvoir du peuple, il émet une théorie qui n’est peut-être pas très logique, mais qui répond du moins à des réalités historiques, et qui peut contribuer, précisément parce qu’elle n’est qu’à demi rationnelle, à prolonger la vie de l’État. Quand les démocrates, au contraire, nient qu’il y ait dans l’État deux sources du pouvoir, une en haut et l’autre en bas, quand ils ne voient dans le gouvernement que l’organe du peuple, ils mettent en question l’existence même de l’État : car ils modifient la nature des rapports qui s’étaient établis jusqu’ici entre le prince et ses sujets, comme entre l’instituteur et l’élève, le père et les enfants, le maître de maison et les domestiques, l’officier et le soldat,

  1. Nietzsche, Werke, II, 328.