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un esclavage comme la soumission au vice. Tous les personnages des Mystères de Paris que l’auteur répartit en deux camps : le camp de la vertu et le camp du vice, doivent être mis sur la même ligne : car ils sont tous bornés. Les uns obéissent aveuglément à leur instinct comme Rigolette, ou le méchant petit paralytique : ils ont la même vie morale que les petits canaris que Rigolette garde dans sa cage. Les autres se soumettent à une idée fixe ; mais qu’ils soient, comme le grand-duc, un champion de la vertu ou comme la mère Martial, une héroïne du vice, ce sont tous des valets. Stirner transpose ainsi dans le domaine de la morale la lutte contre le dogmatisme, que la critique de Bruno Bauer avait engagée dans le domaine des idées. Bruno Bauer avait opposé la Pensée toujours en progrès aux pensées particulières qui tendent à devenir stables. Stirner reconnaît que la critique de Bruno Bauer est victorieuse : c’est, dit-il, un plaisir de voir avec quelle facilité il triomphe en se jouant : le seul tort de Bruno Bauer est de considérer la Pensée comme supérieure au Moi[1]. Stirner suit donc l’exemple de Bruno Bauer en s’opposant à toute règle stable en morale. Il voit dans la morale la dernière citadelle du dogmatisme et du fanatisme. Il trouve que le protestantisme est sur ce point plus intolérant que le catholicisme : non seulement le catholicisme admettait le trafic des indul-

  1. Stirner, Der Einzige, p. 175.