Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/67

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si c’est humain ou inhumain, libéral ou non. Pourvu que ma pensée et mon acte visent ce que je veux, pourvu que ces moyens me servent à me satisfaire, vous pouvez les qualifier comme vous voudrez : cela m’est égal[1]. » L’intention et le ton de Nietzsche sont bien différents. Ce n’est pas le Moi qu’il veut mettre au-dessus de toute appréciation, il veut augmenter la somme de bonheur et de joie en justifiant toutes les diversités : il considère l’effet que produit sur tel ou tel individu une justification philosophique de sa manière de vivre et de penser, — il trouve que l’influence de ces justifications singulières ne peut être que bonne et féconde, et il souhaite qu’on découvre le plus grand nombre possible de ces rayons de lumière et de chaleur. Le méchant, le malheureux, l’être d’exception aussi doit avoir sa philosophie, son bon droit, son soleil[2]. Nietzsche, comme Stirner, trouve que la religion chrétienne a habitué les hommes à être trop sévères pour les autres et pour eux-mêmes : tous deux reprochent à l’idée du péché d’avoir tout assombri la vie humaine. Or, il n’y a pas de péché. C’est le chrétien qui, sous prétexte d’aimer l’humanité, méprise tous les hommes. Il n’y a qu’à cesser d’appeler les hommes des pécheurs : ils cesseront de l’être, car tu n’as jamais vu un pécheur, tu l’as rêvé seulement[3]. Nietzsche

  1. Stirner, Der Einsige, p. 418.
  2. Nietzsche, Fröhliche Wissenschaft, V, 218.
  3. Stirner, Der Einsige, p. 422.