Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lades, et il ne voulait pas s’exposer à de graves erreurs en parlant de maladie et de santé morale : il admet donc qu’il y a une vertu propre à chaque individu, et que les vertus personnelles pourront ne pas se ressembler et parfois même avoir l’air de s’opposer ; mais, tout en prévoyant ces contrastes, Nietzsche se garde bien de nier l’antithèse fondamentale entre la santé et la maladie ; or, cette antithèse suffit à justifier l’art moral, comme elle justifie l’art médical. Nietzsche réserve simplement deux questions : il se demande d’abord s’il n’y a pas des crises morales nécessaires au développement de la vertu, comme il y a des crises de croissance nécessaires à la santé du corps ; il croit d’autre part que pour faciliter le progrès de notre science, il est nécessaire d’étudier aussi les âmes malades ; il craint que le désir exclusif de santé ne soit un préjugé ou une lâcheté ; mais il est facile de voir que ces problèmes se posent en médecine comme en morale et dans les mêmes termes.

Tandis que Stirner proteste contre toute morale, Nietzsche demande que l’art moral tienne compte des cas individuels. Tous deux estiment que l’humanité a beaucoup souffert des morales autoritaires et indiscrètes ; mais tandis que Stirner, pour réagir contre la tyrannie, va jusqu’à la liberté absolue, Nietzsche souhaite plus de tolérance, de tact et de bonté. Stirner déclare : « Si ce que je pense et ce que je fais est chrétien, que m’importe ? Je ne demande pas