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mais seul l’homme libre est une œuvre originale. Ainsi l’amour est plus noble que l’égoïsme vulgaire, mais il est inférieur à la liberté, à l’autonomie, à l’égoïsme supérieur qui est essentiellement actif et exclut tout sacrifice de soi.

Or Nietzsche distingue bien comme Stirner trois phases dans l’histoire de la moralité. « On reconnaît que l’animal est devenu homme à ce que son activité n’aspire plus au bien-être momentané, mais au bien-être durable ; l’homme acquiert ainsi le sens de l’utile, de l’opportun : c’est la première manifestation de la libre domination de la raison. Un degré supérieur est atteint quand l’homme agit selon le principe de l’honneur ; en vertu de ce principe, il entre dans une organisation, il se soumet à des sentiments communs et cela l’élève bien haut au-dessus de la phase où seul l’intérêt personnel le guidait ; il respecte et veut être respecté, c’est-à-dire, il considère que l’intérêt dépend de ce qu’il pense d’autrui, de ce qu’autrui pense de lui. Enfin, parvenu au plus haut degré de la moralité atteint jusqu’ici, il agit selon son appréciation personnelle des choses et des hommes ; il détermine pour lui et pour autrui ce qui est honorable ou utile ; il est devenu le législateur des opinions, selon sa conception toujours plus haute de l’utile et de l’honorable. La connaissance lui permet de préférer l’intérêt supérieur, c’est-à-dire l’intérêt général et durable, à l’intérêt personnel, le tribut d’honneur qui a une valeur générale et durable