Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vérité profonde, que les bienfaits de la civilisation sont réservés à une minorité de mortels élus, tandis que l’énorme masse est faite pour l’esclavage. Nous parlons aujourd’hui de la dignité du travail, comme si le travail qui perpétue une existence misérable n’était pas misérable aussi ! Admirons-nous l’effort désespéré que font les plantes rabougries pour prendre racine dans le sol dénudé et pierreux ? Aujourd’hui chaque individu prétend être un centaure, à la fois ouvrier et artiste ; chez les Grecs, où les fonctions étaient séparées, on avouait franchement que le travail est une honte. Malheureux temps que le nôtre, où l’esclave fait la loi ! Malheureux séducteurs qui avez détruit l’innocence de l’esclave en lui faisant goûter le fruit de l’arbre de la connaissance ! Aujourd’hui, pour rendre la vie supportable, on est forcé d’avoir recours à des mensonges : on parle de droits naturels, comme si tout droit ne supposait pas déjà une certaine hauteur et une inégalité de niveau entre les hommes. Ayons le courage d’être cruels : il n’y a pas de civilisation possible sans esclavage. Le voilà, le vautour qui ronge le foie de Prométhée ! Il faut accroître encore la misère des malheureux pour permettre à un petit nombre d’Olympiens d’être des artistes. On ne comprend que trop la haine que les communistes, les socialistes, et la pâle race des libéraux ont vouée à l’art et à l’antiquité classique. Parfois, comme aux origines du christianisme, l’instinct des iconoclastes l’emporte ;