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rels, ce qui lui a permis de prendre conscience de l’esprit qui est en lui. Or, avoir conscience de l’esprit, c’est être chrétien. La sagesse antique a expiré en donnant naissance au Dieu chrétien, qui triomphe du monde. Mais aussitôt s’est engagée une nouvelle lutte : après avoir réussi à s’élever au-dessus de la nature, on chercha à s’élever au-dessus de l’esprit ; et les insurrections théologiques commencèrent, qui durent encore aujourd’hui. La dernière de ces insurrections est la tentative qu’a faite Feuerbach pour réintégrer en nous Dieu, l’esprit, notre essence ; mais que l’esprit soit hors de nous ou en nous, il continue à nous dominer. La troisième période de l’humanité, l’âge mûr, commencera quand nous aurons l’audace de nous élever au-dessus de l’esprit, comme les chrétiens se sont élevés au-dessus du monde. L’enfant est l’esclave des objets ; le jeune homme se sacrifie à l’idée ; l’homme mûr est égoïste. L’antiquité respectait la nature ; le christianisme vénérait l’esprit ; l’âge mûr de l’humanité ne connaîtra plus ni idole ni Dieu[1].

Nietzsche expose avec la même assurance une philosophie de l’histoire tout aussi simple, mais bien différente. Au lieu d’admettre un progrès continu, il trouve qu’il y a des périodes où la civilisation gagne du terrain et des périodes où la barbarie envahit tout. Dans l’antiquité grecque elle-même, la dé-

  1. Stirner, Der Einzige und sein Eigentum, les chapitres Ein Menschenleben et die Alten, p. ex. p. 25.