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des écrivains classiques ; pour préparer le triomphe de l’esprit allemand sur la fausse civilisation contemporaine, il faut refaire le pélerinage qu’ont fait Schiller et Gœthe et retourner à la patrie grecque, terre sainte de toute vraie civilisation ; mais il ne faut pas se dissimuler que le salut est réservé à un petit nombre d’élus. Nietzsche admet comme Stirner que l’humanisme est une doctrine aristocratique ; mais tandis que Stirner reprochait à ce système d’éducation de maintenir les citoyens dans la sujétion, Nietzsche estime qu’il est nécessaire de respecter l’ordre sacré qui soumet la masse des serviteurs obéissants à la royauté du génie[1]. Parler d’éducation démocratique, c’est vouloir plus ou moins consciemment préparer les saturnales de la barbarie. Pour apprécier le degré d’éducation d’un peuple, la juste postérité ne tiendra compte que des grands hommes : la masse constitue en dormant la réserve de santé et de force nécessaire à l’enfantement du génie. Ainsi, dès le début, nous voyons s’accuser la différence fondamentale qui sépare le système de Nietzsche de celui de Stirner. Stirner est partisan de la libre manifestation de toutes les personnalités ; Nietzsche tient à une discipline aristocratique. Stirner considère que le réalisme marque un progrès sur l’humanisme et veut fonder un réalisme supérieur ; Nietzsche, tout en blâmant l’édu-

  1. Ibid., IX, 277.