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maximes, il faut former des hommes qui trouvent leur principe en eux-mêmes : la légalité n’est pas la liberté. Il faut que l’action et la pensée des hommes soient entraînés dans un perpétuel mouvement et rajeunissent à chaque instant : la fidélité aux convictions produit sans doute des caractères inébranlables ; mais la fixité des idoles ne vaut pas l’ondoyante éternité de la création continue de soi. Pour désigner cette pédagogie nouvelle, Stirner se servirait volontiers du mot « moralisme », s’il ne craignait une équivoque : on pourrait croire, en effet, qu’il veut inculquer une doctrine morale, tandis qu’il est opposé à tout dogmatisme. Il se résigne donc au terme de « personnalisme ».

Tandis que Stirner met le réalisme au-dessus de l’humanisme, Nietzsche prend nettement parti pour l’éducation classique. Il n’est pas seulement philologue de profession ; il considère que les adversaires de l’hellénisme sont des barbares. Dans sa conférence d’ouverture à l’Université de Bâle[1], il déclare que « l’épée de la barbarie est suspendue sur la tête de tous ceux qui perdent de vue la simplicité ineffable et la noble dignité de l’hellénisme » ; aucun progrès, si brillant soit-il, des arts et de l’industrie, aucun programme scolaire, si moderne (zeitgemäss) soit-il, aucune éducation politique de la masse, si répandue soit-elle, ne saurait nous préserver de la

  1. Nietzsche, Nachgelassene Werke, IX. Antrittsrede, 28 mai 1869, Homère et la philologie classique.