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de la vie, chaque individu doit la diriger à ses risques et périls. Les deux éducateurs qui ont aidé Nietzsche à mieux sentir la beauté et la gravité que donnent à l’individu sa nature singulière et son rôle unique sont Wagner et Schopenhauer. Nietzsche n’entend pas du tout affranchir l’individu de toute loi ; il veut seulement que l’artiste ou le philosophe obéisse à son génie et suive sa voie propre, pour entrer dans l’ordre de ceux qui créent et maintiennent sur terre la civilisation. Les initiés seuls, les héros sont, aux yeux de Nietzsche, vraiment uniques. Il oppose singularité, non à humanité, comme l’avait fait Stirner, mais à vulgarité ; il voit dans le caractère unique, non un palladium intangible qui assure la liberté, mais un privilège de noblesse.

Stirner et Nietzsche font donc entrer la même idée dans deux systèmes qui n’ont rien de commun : ils en tirent des conclusions différentes dans leurs théories sur l’éducation, sur l’art, sur l’histoire de la civilisation et sur l’État.


b) L’éducation


Stirner et Nietzsche ont tous deux commencé par s’occuper du problème de l’éducation. Cette coïncidence n’est pas due sans doute au hasard, et il ne suffit pas, pour l’expliquer, de constater que les deux philosophes avaient tous deux suivi les cours des