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prendre si gravement au sérieux la découverte que nous devons à Kant du caractère subjectif des formes de la perception ; et s’il a raison, n’est-il pas parfaitement raisonnable que chacun se choisisse une conception du monde qui lui suffise, c’est-à-dire qui donne satisfaction au besoin moral qui est à proprement parler son essence ?

» Or, une philosophie qui insiste sur le caractère profondément, âprement sérieux de l’objet qui nous demeure absolument inconnu, répond à mes tendances intimes, et c’est ainsi que j’ai eu beau me convaincre chaque jour davantage que toute spéculation n’était que fantaisie vaine ; la doctrine de Schopenhauer a gardé pour moi tout son prix, ce qui d’autre part confirme le fait que la volonté, le ἦθος, est plus fort, plus primaire que l’intelligence qui pèse froidement le pour et le contre[1]. »

Comme Rohde ajoute que son ami est cordialement d’accord avec lui sur ces points importants, nous avons le droit de dire que Nietzsche a vu dans les théories exposées par Lange une justification de sa sympathie instinctive pour la doctrine de Schopenhauer ; toute la philosophie allemande de Kant à Stirner lui a paru donner une nouvelle force à deux propositions qu’il avait toujours admises :

1° L’homme est la mesure de toutes choses, ce qu’en leur qualité d’hellénistes, Rohde et Nietzsche savaient déjà par les sophistes grecs.

  1. Nietzsche, Briefe, II, 79.