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Il y a dans les lettres d’Erwin Rohde à Nietzsche un passage qui nous paraît confirmer cette interprétation. Le 4 novembre 1868, Rohde écrit à Nietzsche : « Tu dois sans doute nager cet hiver dans la musique ; je veux essayer autant que possible d’en faire autant dans notre Abdère ; car j’ai beau n’y rien comprendre, cela sert toujours à purifier l’âme de la poussière des jours de travail et tout particulièrement à calmer la volonté rétive. Sans doute on ne nous permettra pas à Hambourg de nous enivrer du philtre wagnérien. Comme je ne suis qu’un profane, je ne me risque à approuver cette musique que dans mon for intérieur ; mais elle me fait, à moi aussi, une telle impression, que je crois me promener au clair de lune dans un jardin aux parfums magiques ; aucun son de la réalité vulgaire n’y pénètre. Aussi est-ce avec une indifférence absolue que je vois les très sages MM Schaul, etc., démontrer que cette musique est malsaine, lascive et bien autre chose encore ; moi, elle me ravit, selon ton expression qui est très juste, et cela me suffit. D’ailleurs, je comprends de plus en plus la sagesse du vieux sophiste qui, malgré toutes les objections des personnes saines de son temps, affirmait que l’homme était la mesure des choses. Le livre de Lange — que je te retournerai très prochainement — n’a pas peu contribué à me confirmer dans cette idée ; il m’a, au cours de mon voyage, constamment maintenu dans la sphère des idées élevées. Sans aucun doute, Lange a raison de