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même en admettant la critique la plus stricte, notre Schopenhauer nous reste ; bien plus, on peut presque dire qu’il nous est encore davantage. Si la philosophie est un art, Haym[1] lui-même n’a plus qu’à se cacher devant Schopenhauer ; si la philosophie doit édifier, je ne connais, pour ma part, aucun philosophe qui édifie plus que notre Schopenhauer[2]

On voit que Nietzsche a surtout retenu du livre de Lange cette idée que la philosophie est libre comme l’art ; chacun a dès lors le droit d’admettre la métaphysique qui répond le mieux à ses sentiments ; on peut être schopenhauérien comme on est wagnérien. Si donc il a été frappé par les quelques lignes que Lange consacre à Stirner, c’est sans doute parce que Lange a interprété les théories de Stirner dans un sens favorable à sa thèse. Lange croit, en effet, que Stirner veut effacer les limites qui bornaient jusqu’ici l’individualité, pour laisser à chacun le droit de choisir selon sa volonté un idéal ; c’est là une erreur : tout idéal, qu’il soit choisi par la volonté, proposé par l’intelligence ou imposé par une puissance extérieure, n’est, aux yeux de Stirner, qu’une idée fixe. Il est remarquable que Lange parle moins de la partie négative du système de Stirner que de la partie positive qu’il eût pu y ajouter ; or, Stirner n’admet pas de partie positive au sens où l’entend l’historien du

  1. Il y a dans le texte Heyne ; mais, d’après l’index, c’est une faute d’impression. Il s’agit de Rudolf Haym, ancien professeur à Halle.
  2. Nietzsche, Gesammelte Briefe, I, 33.