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attaque avec vivacité les théories évolutionnistes de Hartmann, en empruntant surtout ses citations aux pages où l’auteur de la Philosophie de l’Inconscient traite de la troisième période de l’humanité ; or c’est au seuil de cette troisième période que Hartmann a marqué la place de Stirner. Mais il semble que ce que Hartmann a dit de Stirner n’a pas dû engager Nietzsche à étudier avec sympathie l'Unique et sa propriété : car Nietzsche combat précisément les théories de la Philosophie de l’Inconscient parce qu’elles lui paraissent propres à fortifier cet égoïsme qui, selon Stirner, caractérise l’âge mûr de l’humanité comme l’âge mûr de l’individu. À cette maturité égoïste, Nietzsche oppose l’enthousiasme de la jeunesse. Il serait bien surprenant que Nietzsche, qui ne prend pas au sérieux la « parodie » de Hartmann, se soit décidé à cette date à étudier l’œuvre de Stirner où il eût trouvé des théories plus paradoxales encore à ses yeux que celles de la Philosophie de l’Inconscient. En tout cas, l’argument de Hartmann ne prouve pas qu’il y ait eu influence directe de Stirner sur Nietzsche.

L’hypothèse la plus vraisemblable est évidemment celle qui a été émise par M. le professeur Joël[1]. Il est probable que Nietzsche a remarqué, comme Mackay, le nom de Stirner dans l’Histoire du Matérialisme de Lange. Nietzsche lisait ce livre avec beaucoup de soin, comme en fait foi sa correspondance

  1. Cf. Joël, Philosophenwege.