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sente, si elle ne la réalise pas entièrement, l’appréhension immédiate d’une réalité supra-sensible ; certes, la foi n’est pas « vision béatifique » ; mais elle tend vers la vision béatifique, elle en est l’équivalent provisoire 1 : et dans toutes les religions il y a toujours eu des fidèles, qui ont prétendu passer de la foi à la vue, de la représentation à la réalité ce sont les mystiques.

Irrationnelle en un sens, la foi est. par là même affective et active elle est sentiment profond, confiance, confiance qui exalte ; dans la foi le croyant-éprouve une puissance qui le dépasse et qui le régénère ; elle a toujours, même dans ses formes les plus volontaires, quelque chose de passif, d’irrésistible.

Jusqu’à quel point ses formules expriment-elles ce sentiment profond ? jusqu’à quel point le satisfont-elles ? La foi subit-elle, en l’acceptant pleinement, comme une révélation extérieure, une formule qui la précède et s’impose ? Va-t-elle au-devant de cette révélation, expression adéquate ou inadéquate de ses exigences ? CTée-t-eMe son objet de sorte que le dogme ne serait que la révélation de la foi ? Crée-t-elle inévitablement un dogme qui la représente ou peut-elle se satisfaire de sa propre effusion, libre de toute forme positive ?

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L’histoire de la religion nous montre le continuel antagonisme de deux états d’esprit l’intellectualisme, avec sa défiance de l’inconnaissable et de la croyance pure, sans connaître, à l’aveugle, comme par un coup de force ou de désespoir ; le sentimentalisme, avec sa défiance de la science et de la foi, comme conclusion d’un raisonnement. La plupart des religions, pour la raison que nous avons dite, se sont appliquées à concilier les deux tendances la foi croyance enferme une part de raison, mais en même temps un surplus d’affirmation, qui vient d’un élan de sentiment.


1. Pègues, Commentaire de la Somme théologique, X, 26. «Les Mêles ont la connaissance des choses de la foi, non parce qu’ils les voient en elles-mêmes ou dans leur valeur intrinsèque, mais parce que la foi les contient et que cette lumière de la foi qui les enveloppe ou les renferme en garantit l’absolue certitude. Nous avons même dit que l’habitus surnaturel de la foi les fait un peu atteindre en elles-mêmes, pour autant qu’elle en donne à notre esprit le goût intellectuel. »