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philosophes de l’Inde, par Platon, enrichie par les recherches des psychologues anglais et français, elle a reçu comme une seconde naissance par la Critique du Jugement de Kant, sur laquelle se sont entés les systèmes de Schelling, de Hegel, de Vischer et de Schopenhauer. Puis la ~c~e Aesthetik de Fechner a ouvert à

la Science du Beau des voies nouvelles dont nous, esthéticiens contemporains, nous tentons d’explorer minutieusement toutes les sentes. Et toujours à nouveau, aujourd’hui comme hier, s’impose à tous les chercheurs, comme un refrain entêtant et inéluctable, la même question qu’est-ce que l’Esthétique ?

Celui qui signe cet article a abordé lé problème, il y a vingtquatre ans, dans son Essai Critique sur l’Esthélique de .K~ (Alcan, 1896)1. Mais je n’avais pas osé, à ce moment, l’aborder de front. Je m’étais servi de la Critique du Jugement comme d’un tremplin pour m’élancer dans la carrière de la recherche personnelle. C’était une faute dont on m’a accusé à juste titre, dont je m’accuse moi-même et que j’éviterai dans la nouvelle édition du livre. Cet aveu fait, je crois que, dès 1896, j’étais sur la piste de la solution du problème, et les lecteurs de mon premier travail d’esthétique retrouveront dans l’Essai que voici les idées essentielles de celle-là. Mais, dans cette première œuvre, conçue à vingt ans et exécutée à trente, j’avais c’était de mon âge d’alors – donné au sentiment, au Fühlen, au feeling, dont je crois aujourd’hui encore qu’il est l’élément essentiel de l’acte esthétique un rôle tellement prééminent que toutes les fonctions intellectuelles de l’activité esthétique lui étaient entièrement sacrifiées. Dans l’Essai que voici, qui est le fruit de toutes mes lectures et de mes réflexions depuis 1896, j’accorde comme il convient à mon âge d’aujourd’hui (car on ne philosophe pas seulement avec sa raison, mais avec tout son être) à la fonction intellectuelle de l’acte esthétique une importance infiniment plus grande. Un problème de méthode, difficile à résoudre, s’est imposé à moi avant d’écrire les pages qui vont suivre. Faut-il comme le conseillent un grand nombre d’esthéticiens, et notamment, chez nous, M. Charles Lalo dans son Introduction à /’F~A<~Me (i9i2), 1. L’Essai CM~e sur fE~e<t ?K< ! de &M< est depuis longtemps épuisé. J’en compte publier cette année une seconde édition, entièrement remaniée, qui utilisera les innombrables travaux pa.rus sur la question depuis t896.