L. DAURIAC. –L’ÉTAT D’ESPRIT ÉCOSSAIS 255
Reid avait connu Spencer, il se fût effrayé de sa façon fort irreligieuse
d’unir les idées dernières de la science aux idées dernières
de la religion. On se demande toutefois comment il eût réussi à
éviter l’évolutionnisme; on se demanderait encore, avec plus de
raison, comment il eût évité ce que M. Macintosh appelle le genetic
a priorism, solution de son choix, et ce qu’il m’est arrivé naguère
de nommer empirisme préhistorique. Au temps de Reid, quand,
pour expliquer l’apparent inexplicable, on invoquait !a nature ou
l’instinct, on obtenait parfois le silence de la critique. On l’obtient
de nos jours en recourant à l’évolution. C’est là un exemple de ce
que Maeterlinck appelle « l’évolution du mystère M du même mystère
que celui de Reid et de Spencer. On ne le distinguerait pointà
mon avis, sans péril d’inexactitude de ce-que, tout récemment,
j’appelais a le mystère de Kant )~ Dériver les principes de la connaissance
d’éléments psychiques spontanément juxtaposés dans le
champ de la conscience, ou les dériver d’éléments psychiques gra-.duellement
organisés et systématisés dans le cerveau de l’espèce,
si cela revient au même, c’est là une opinion d’idéaliste et l’on
sait qu’elle ne troublerait point M. Macintosh. On sa gardera, dès
lors, de lui faire une renommée de philosophe empiriste. Après
tout, situer les lois de l’entendement sur le prolongement des lois
biologiques, c’est, qu’on le veuille ou non, et se promît-on d’en
parler le moins possible, admettre de telles lois. Observez ici,
toutefois, si vous vous placez momentanément au point de vue
de rév&tutionnisme, que l’apriorisme classique, celui de Kant, est
dénnitif dans la pensée des kantiens orthodoxes. Dans l’esprit des
disciples d’Herbert Spencer, il ne saurait l’être; l’évolutionnisme
suit son cours, et’par là même, les formules restent variables. Os
peut user de la déduction pour en dégageâtes lois on le peut à
ses risques et périls et sous les réserves que je viens d’indiquer,
auquel cas l’induction doit être toujours prête à intervenir. Une
vue fort ingénieuse de M. Macintosh et que je soumets aux méditations
du lecteur est celle-ci le succès des géométries non euclidiennes
a porté aux espoirs d’une science future entièrement
déductive, un coup mortel. On peut imaginer une autre géométrie
que la géométrie « de la règle et du compas ?. Le monde des idées
est-donc plus riche que celui des choses, et peut-être correspondil
au nombre des possibles, c’est-à-dire des admissibles qui n’ont