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A. KOYRÉ. – note sur la langue et la terminologie hégéliennes

exprime ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, sa « nature même » qui est pensée et qui est esprit. Synthèse et sommation ou, si l’on préfère, intégration des moments (concepts, formes, Gestalten) du passé dans le « présent » – tel est le « concept » hégélien. Mais si l’histoire de l’humanité, en tant qu’elle réalise l’histoire de l’esprit est une, en tant qu’elle se réalise, elle se particularise, se différencie, se brise. L’histoire est une comme la pensée et l’esprit, mais les histoires, comme les peuples et les langues, sont différentes. Et c’est pourquoi la pensée dialectique, le concept, représentant un moment de cette évolution, mais le représentant dans la particularité d’un langage, ne peut – généralement — être traduit par un terme d’un autre langage. C’est que l’histoire, le passé qui chaque fois deviendrait « présent », ne serait pas le même. C’est là la raison pour laquelle « la langue abstraite de la philosophie française » ne peut traduire la langue concrète de la dialectique hégélienne. Et c’est là aussi la raison pourquoi le meilleur commentaire de Hegel reste, jusqu’à nouvel ordre, un bon dictionnaire historique de l’allemand.

A. Koyré.