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les gnostiques, entièrement création d’un démiurge mauvais ; c’est ainsi que l’Homme primitif crée à son tour cinq éléments qu’il revêt comme une armure, l’air limpide, le vent rafraîchissant, etc., qui s’opposent terme à terme aux cinq éléments du monde des ténèbres.


V. — Clément d’Alexandrie et Origène.


Le didascalée que Pantène, stoïcien converti au christianisme, créa à Alexandrie et qui eut successivement à sa tête Clément d’Alexandrie (160-215) et Origène (185-254), est le premier essai poussé à fond pour créer un enseignement chrétien qui, par son ampleur, pût rivaliser avec celui des écoles païennes ; milieu bien éloigné de celui des gnostiques, où nous trouvons pour la première fois, des hommes très informés de la philosophie grecque et prenant vis-à-vis d’elle une position assez nette.

Position complexe pourtant : dans son Protreptique aux Grecs, par exemple, Clément est amené à comparer l’hellénisme et le christianisme ; il trouve dans l’hellénisme ou bien des erreurs complètes ou bien des vérités partielles timidement exprimées que seul le christianisme peut saisir dans leur ensemble. Ainsi la théologie des Grecs, considérée dans ses cultes et dans ses mystères, est erronée ou scandaleuse (chap. v et vi) ; chez les philosophes, il distingue ceux qui ont pris les éléments comme dieux, et ceux, d’un degré plus haut, qui ont attribué la divinité aux astres, au monde ou à leur âme : erreur complète qui consiste à confondre Dieu avec ses œuvres ; mais en revanche, il trouve chez le Platon du Timée qui parle du « père et du créateur de toutes choses » une trace de vérité ; de même Antisthène et Xénophon ont atteint le monothéisme, et Cléanthe le stoïcien, ainsi que les Pythagoriciens, a connu les véritables attributs de Dieu. Le christianisme ne ferait alors que consommer l’hellénisme, à peu près comme le nouveau testament convainc d’erreur l’ancien, tout en étant son accomplissement.

Il en est de même de la doctrine morale. La sagesse grecque donne des conseils ou des cas particuliers à propos du mariage, de la vie publique ; la piété chrétienne est « un engagement universel et pour la vie entière, tendant en toute occasion, en toute circonstance, à la fin essentielle ». Elle réalise donc en somme ce que le stoïcisme