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appeler imunu par les Papous du delta du Purari, wakan par les Indiens des plaines de l’Amérique du Nord, et un peu partout d’un nom analogue. Chargés de force mystique, ils peuvent exercer sur le sort de l’indigène et des siens une influence heureuse ou néfaste. Il essayera donc, selon les cas, de détourner, de se concilier, ou même de capter cette force. S’il arrive à se l’approprier, il augmente d’autant son propre mana ou imunu.

Telles sont, par exemple, les « pierres sacrées », qu’en Nouvelle-Calédonie et en beaucoup d’autres endroits, on croit indispensables au succès des cultures. Leur forme rappelle de plus ou moins près celle du tubercule de taro, de la patate douce, etc., dont on désire une récolte abondante. Au moment des semailles, on les plante dans les champs en grande cérémonie. La moisson faite, on les enlève et on les met soigneusement en réserve jusqu’à la saison suivante. Leur force mystique se communique à la terre des champs, aux plantes qui y poussent, et elle les fait fructifier.

(A. P., pages 17-18.)

Puissance magique des armes.

Les armes dont on se sert à la guerre sont fabriquées avec tout le soin dont les indigènes sont capables : elles témoignent souvent d’une grande ingéniosité qui les rend redoutables et meurtrières. Mais leur efficacité ne tient pas seulement, ni surtout, à leurs qualités visibles et matérielles. Elle dépend essentiellement de la vertu mystique qui leur aura été conférée par des « médecines » ou par des opérations magiques. Aussi les armes d’un guerrier sont-elles sacrées. Souvent personne n’ose y toucher que lui. On les entoure, en temps de paix, de mille précautions, pour y concentrer et y maintenir l’influence magique qui leur assurera la victoire.

« Afin que les lances atteignent infailliblement leur but, on les consacre, — spécialement pendant une certaine danse en l’honneur des morts, — en les frappant contre le sol, ce qui en casse la pointe. Ou bien, on peut aussi les consacrer en tirant à la cible sur le cadavre d’un homme qui a péri de mort violente (par exemple à l’occasion de la construction de la maison d’un chef). On recueille ensuite les lances qui