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CHAPITRE III

LE SURNATUREL DANS LA NATURE

La réalité universelle.

Pour cette mentalité, sous la diversité des formes que revêtent les êtres et les objets, sur la terre, dans l’air et dans l’eau, existe et circule une même réalité essentielle, une et multiple, matérielle et spirituelle à la fois. Elle passe constamment des uns aux autres. C’est par elle que s’explique, dans la mesure où ces esprits s’inquiètent d’une explication, l’existence et l’activité des êtres, leur permanence et leurs métamorphoses, leur vie et leur mort. Cette réalité mystique répandue partout, moins représentée à vrai dire que sentie, ne peut pas, comme la substance universelle de nos métaphysiciens, entrer dans la forme d’un concept. Codrington, le premier, l’a fait connaître, sous le nom de mana, que M. Speiser, aux Nouvelles-Hébrides, traduit par Lebenskraft. Neuhauss et les missionnaires allemands de la Nouvelle-Guinée disent Seelenstoff ; c’est le Zielstof de M. Kruyt et de beaucoup d’autres savants hollandais, la Potenz du Dr Pechuël-Loesche au Loango, etc. Aucun terme de nos langues ne correspond exactement aux mots dont les primitifs se servent pour désigner cette essence réfractaire à la définition.

(A. P., page 3.)