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buerait peut-être à expliquer la remarquable importance et persistance du nombre sept dans la magie malaise (sept baguettes de bouleau, répéter sept fois le charme pour faire sortir l’âme du corps, sept feuilles de bétel, sept coups frappés sur l’âme, sept épis coupés au moment de la moisson pour l’âme du riz, etc.[1]. » Cette hypothèse est évidemment suggérée à M. Skeat par l’animisme qui inspire son ouvrage : je tendrais à penser qu’elle présente les choses à rebours. Ce n’est pas parce qu’ils conçoivent sept âmes ou une âme septuple pour chaque individu, que les Malais mettent le nombre sept partout. C’est au contraire parce que le nombre sept jouit à leurs yeux de vertus mystiques prééminentes qu’il devient une sorte de « catégorie », sur laquelle se règlent non seulement leurs opérations magiques, mais aussi leurs représentations, sans excepter celle de l’âme. Cela est si vrai que M. Skeat ajoute lui-même : « Que sont ces sept âmes ? il est impossible de le déterminer d’après ce que nous savons jusqu’à présent. » Si chacune des sept âmes est si peu différenciée que l’on puisse aussi bien parler d’une âme septuple, il est difficile d’admettre que la valeur attribuée en général au nombre sept tire son origine de cette représentation.

(F. M., page 250.)

Opérations mystiques sur les nombres.

Bergaigne a insisté, à plusieurs reprises, sur la nature des nombres mystiques dans les poésies védiques, et sur les opérations mystiques elles-mêmes, dont ces nombres sont les objets. La multiplication paraît se faire principalement par l’application, aux différentes parties d’un tout, d’un système de division appliqué d’abord au tout lui-même. Ainsi la division en trois, pour l’univers (ciel, terre, atmosphère) peut être répétée pour chacun de ces trois mondes (trois ciels, trois terres, trois atmosphères) en tout, neuf mondes. Mais, plusieurs systèmes de division ayant été appliqués à l’univers, les chiffres donnés par deux de ces systèmes peuvent aussi se multiplier l’un par l’autre : 3 × 2 = 6 mondes, trois ciels et trois terres[2]. Ou bien,

  1. Skeat, Malay Magic, pp. 50, 509.
  2. Bergaigne, La Religion védique, II, p. 115.