Les transgressions : l’inceste.
M. A. C. Kruyt, dans un travail circonstancié intitulé Measa, a étudié et analysé les mauvais présages, les porte-malheur, et les transgressions que redoutent les indigènes du centre de Célèbes. Dans ce long catalogue des événements et des actes de toutes sortes qui exercent une influence funeste et apportent le malheur, il fait entrer, lui aussi, les aberrations sexuelles et l’inceste.
Nous sommes ainsi conduits à ne pas séparer l’inceste des autres faits qui, aux yeux des primitifs, sont du même genre que lui, et produisent sur eux la même impression de frayeur. L’étude des témoignages établira qu’en effet l’inceste, à leurs yeux, est avant tout quelque chose d’anormal, d’insolite, de contre nature qui porte malheur, en un mot, une « transgression ». Non pas, selon le sens que nous serions tentés de donner à ce mot, la violation d’un interdit que le devoir commande de respecter, un acte moralement condamnable ; — mais un acte inhabituel et contre nature, qui révèle une mauvaise influence en train de s’exercer. Aussi bien, verrons-nous souvent les incestueux traités de sorciers. Dès qu’un inceste sera constaté, on prendra des mesures énergiques contre ses auteurs. Leur transgression est particulièrement effrayante : elle provoque dans le groupe social, en même temps qu’un sentiment d’horreur, un besoin de réaction violente.
« Comme toutes les populations de l’archipel malais, les habitants du centre de Célèbes croient que les relations sexuelles entre deux personnes qui sont trop proches parentes déclenchent une influence magique telle que des pluies excessives, ou une sécheresse persistante en sont la conséquence… Avant l’arrivée de l’administration hollandaise, s’il s’agissait de relations entre parents et enfants, ou entre frères et sœurs, on mettait à mort les coupables, à coups de bâton ou en les noyant. Il ne fallait pas verser leur sang sur la terre, de peur que cela ne la rendît stérile[1]. »
- ↑ A. C. Kruyt, Measa, II. T. L. V., LXXV, pp. 74-75 (1919).