Page:Lévy-Bruhl - L’Allemagne depuis Leibniz, 1907.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de fait, où l’on donne tout aussi facilement des chaires de professeur à des ignorants, souvent même à des bouffons déclarés, qu’à des gens de mérite, et où les hommes les plus graves sont exposés, témoin ce qui est arrivé à M. Heineccius et à d’autres, aux avanies les plus rudes. » Néanmoins, quand Frédéric II, le quatrième jour de son règne, offrit à Wolff de remonter dans la chaire d’où il avait été chassé, le philosophe se laissa tenter et accepta.

Les contemporains de Wolff avaient été séduits moins par sa doctrine même que par sa méthode. « M. Wolff, dit Formey[1], a passé sa vie uniquement livré au soin de transformer en sciences réelles et véritables cet amas indigeste de connaissances philosophiques que l’on avait jusqu’alors plutôt accumulées qu’édifiées… Il entrevit dès sa jeunesse le vaste plan qu’il a depuis si judicieusement exécuté, de faire de toutes les connaissances philosophiques un vrai système, qui procédât de principes en conséquences, et où toutes les propositions fussent déduites les unes des autres avec une évidence démonstrative… Ce qui caractérise principalement les écrits de M. de Wolff, c’est sa méthode… Son cerveau était une vraie encyclopédie philosophique, toute distribuée et rangée dans la dernière exactitude. C’était le fruit qu’il avait remporté de plusieurs années d’application aux mathématiques. » Méthode essentiellement déductive, comme on voit, et fort voisine de celle de Descartes et de Leibniz. « La seule voie, dit Wolff,

  1. Mémoire abrégé sur la vie de Wolff, dans Les principes du droit de la nature et des gens, extrait du grand ouvrage latin de M. de Wolff. Amsterdam. 1758. Préface, p. IV.