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attention à la personne de l’auteur que je lisais, mais seulement aux raisons qu’il apportait. » Et il se félicite du progrès qu’il constate autour de lui. « La liberté fait des progrès, dit-il, et si les professeurs ne sont pas encore excellents, les étudiants sont moins mauvais… Grotius et Pufendorf ont lutté avant moi. Si j’avais écrit ce que j’écris aujourd’hui au temps de Pufendorf, nul doute qu’on ne m’eût traité comme le plus dangereux des hérétiques : aujourd’hui, au contraire, je ne suis pas inquiété, grâce à la protection éclairée de l’électeur de Brandebourg et de ses ministres. »

Ne lui demandez pas, comme à Leibniz, un système original qui embrasse à la fois Platon, Aristote et Descartes, et qui contienne les principes des mathématiques, de la physique et de la morale. Point de métaphysique : le sens commun suffit. Thomasius publie son cours en allemand, parce que, dit-il, entre autres raisons « la philosophie est si facile qu’elle peut être comprise de toute personne, de quelque condition et de quelque sexe qu’elle soit. Les philosophes grecs n’écrivaient point en hébreu, ni les Romains en grec. Chaque peuple se sert de sa langue maternelle, et les Français savent fort bien le faire aujourd’hui. Pourquoi nous autres Allemands nous priverions-nous de cet avantage, comme si notre langue était impropre à cet usage[1] ? » Et de fait la philosophie de Thomasius pouvait fort bien s’exprimer en langue vulgaire, puisqu’elle n’est au fond qu’un bon sens très

  1. Thomasius, Einleitung zu der Vernunftslehre. 4e éd. Halle, 1711, p. 14.