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service de la cour de Vienne. Il se heurta toujours à des difficultés insurmontables, dont la principale était sans doute l’opposition des jésuites tout puissants à cette cour, et la défiance inspirée par un protestant d’esprit aussi ouvert et aussi libre que le sien. À Berlin même, malgré sa longue amitié avec plusieurs princesses de la famille régnante, il n’était pas toujours vu de bon œil. Il resta ainsi, par force au moins autant que par choix, au service de la maison de Brunswick, dont les ressources et les visées politiques répondaient fort mal à son goût pour les vastes desseins et les larges vues d’ensemble. En mainte occasion, il ne peut s’empêcher de prendre spontanément ce rôle de conseiller d’état dont il n’a pu obtenir la fonction. Continuellement il adresse, soit à Louis XIV, dans la première partie de sa vie, soit, plus tard, à l’Empereur, des mémoires pleins d’idées ingénieuses, parfois chimériques, souvent profondes. Le philosophe s’y trahit de temps en temps par le caractère général et un peu vague des conceptions : mais le patriote surtout s’y laisse voir à plein. Toujours l’intérêt de l’Allemagne considérée dans son ensemble et comme nation, demeure la pensée directrice de Leibniz. Même lorsqu’il s’occupe des intérêts particuliers de son maître le duc de Brunswick, il ne perd jamais de vue ceux de la patrie commune ; il s’efforce de montrer que loin de s’opposer, ces intérêts au fond sont identiques.[1]

Dans son extrême jeunesse. Leibniz semble s’at-

  1. Voir les négociations relatives à l’affaire du neuvième éIectorat, à la succession de Hanovre, et surtout dans quelle pensée politique Leibniz publie les Annales rerum Brunsvicensium.