qu’elle avait de plus essentiel et de plus intime.
Dans cette décadence non seulement politique et
économique, mais encore intellectuelle et morale,
la conscience nationale menaçait de s’évanouir. Un
tel état est infiniment plus dangereux qu’une crise
même aigue. De celle-ci un tempérament vigoureux
triomphe ; la guérison peut être prompte, et
le mal ne point laisser de traces. Parfois même le
corps en sort purifié et fortifié. Mais lorsqu’un état
de misère physiologique s’est aggravé peu à peu,
et a mis tous les organes en mauvaise condition, il
expose le patient à nombre d’accidents qui peuvent
être mortels, et cet état même ne saurait disparaître
que lentement. Une reconstitution de tout
l’organisme, pleine de dangers, est nécessaire. C’est
ce travail de réparation intime qui allait s’accomplir
en Allemagne, sourdement, obscurément, dans les
profondeurs du tissu social : c’est lui qui devait permettre,
beaucoup plus tard, au sentiment national
de reparaître, et plus tard encore à l’idée d’unité allemande,
de renaître, de s’exprimer et de s’imposer.
I
Parmi les témoignages, fort nombreux, que nous possédons sur l’état politique et moral de l’Allemagne vers la fin du XVIIe siècle, celui de Leibniz nous est particulièrement précieux. Leibniz a bien connu les maux dont souffrait l’Allemagne. Épuisement économique, faiblesse et torpeur politiques, désunion, disparition du sentiment national sous