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montait à 14000 florins ou à 8000 thalers par an ! Autant vaut dire que le Saint-Empire romain germanique n’existait guère plus que de nom. Les ennemis de l’Autriche, n’ayant pu lui enlever la couronne impériale, avaient fait en sorte qu’elle devînt un embarras plutôt qu’un avantage. En donnant à la France et à la Suède le droit de garantie, en laissant aux princes allemands la liberté de négocier et de s’allier avec qui il leur plairait, les traités de Westphalie avaient mis fin pratiquement, semblait-il, à l’existence du Saint-Empire comme puissance européenne. L’Autriche la première devait plus d’une fois subordonner les intérêts de l’Empire à ses convenances particulières, et ni la Saxe, ni le Brandebourg, ni aucun autre prince allemand ne se croira tenu à plus de scrupules que le chef même de l’Empire.

Cet excès de division politique n’eût pas été un mal sans remède, si, malgré tout, le sentiment de la nationalité commune fût demeuré vivace. En se heurtant au contraire à tous ces obstacles, et en luttant pour les vaincre, ce sentiment serait devenu de plus en plus net et impérieux. Ainsi est-il arrivé dans notre siècle, où la résistance du particularisme au mouvement unitaire n’a fait que l’accélérer. Mais, à la fin du XVIIe siècle, ce sentiment avait presque entièrement disparu, et le morcellement politique de l’Allemagne était un symbole exact de l’état des esprits. C’est que la guerre de Trente ans n’avait pas eu, comme celle de Cent ans, le caractère d’une lutte nationale, d’un duel entre peuples, qui les force à prendre une conscience claire de leur individualité. La France était sortie de ses