lumineuse comme son esprit, et admirablement moderne. Néanmoins, son œuvre est surtout une œuvre d’affranchissement. Pour emprunter une expression de Spinosa, il combat à la fois la servitude intérieure et la servitude extérieure. En même temps qu’il affranchit la littérature allemande de l’imitation étrangère, il lutte contre les préjugés, les timidités, les hésitations où s’attardait la pensée allemande : et là, comme ici, il travaille à affermir le caractère national.
Les premiers ouvrages de Lessing laissent à peine deviner les qualités qui éclateront dans les œuvres de sa maturité. Il doit beaucoup à l’étude de l’antiquité, dont Christ et Ernesti lui avaient donné le goût à l’université de Leipzig. Il doit aussi beaucoup aux moralistes anglais ; mais, par une rencontre remarquable, et qui n’est pas une simple coïncidence, ce furent trois écrivains français, Bayle, Diderot et Voltaire, qui lui ouvrirent la voie nouvelle où son originalité allait se donner carrière[1]. Bayle était au XVIIIe siècle, comme Montaigne au XVIIe, le livre de chevet de bien des gens. Frédéric ne tarissait point d’éloges sur son compte, et avait pris la peine d’en composer un abrégé[2]. Lessing aussi lisait Bayle assidûment. Il apprit de lui à déjouer les sophismes par une dialectique subtile et toujours claire, à faire la guerre aux préjugés, à mettre à l’épreuve les opinions reçues. Diderot, « la plus germanique des têtes françaises », suggéra à Lessing nombre de ses idées philosophiques et littéraires. Le critique allemand fut ravi du Père de