Il ne faut donc pas s’y méprendre. Cette explosion
de patriotisme en plein XVIIIe siècle a été un phénomène
bien localisé et exclusivement prussien. Plus
ce sentiment était net chez les sujets de Frédéric II,
plus ils se séparaient des autres Allemands, auxquels
ils se croyaient du reste supérieurs. La lutte
pour l’existence aviva chez eux le sentiment de la
nationalité distincte. « Chacun, dit un contemporain,
voulut à sa manière imiter les travaux surhumains
de Frédéric II. Chacun croyait, parce qu’il
était Prussien, parce qu’il était sujet, serviteur ou
instrument du roi, pouvoir faire plus qu’un citoyen
d’une autre nation. » La crise passée, l’épuisement
se fit sentir. Il ne resta bientôt plus, au moins
dans la population civile, qu’une certaine fierté, et
la gloire, chèrement achetée, d’appartenir à un
prince qui avait tenu tête à l’Europe et qui en demeurait
l’arbitre.
II
Hors des États de Frédéric II, dans le reste de l’Allemagne, le prestige de son nom et l’éclat de ses victoires s’imposèrent également aux imaginations. L’influence, pour être moins directe, ne fut ni moins profonde ni moins durable. Je ne parle pas seulement de ces admirateurs couronnés qui voulurent être ses émules et même ses rivaux : nombre de princes allemands se mirent à l’école du grand Frédéric, et se piquèrent d’imiter sa politique extérieure et intérieure, depuis le fils de Marie-Thérèse jusqu’au comte de Lippe. Le mouvement se pro-