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CHAPITRE IV

PRODUCTION DE LA PENSÉE.

Indice de la Production de Pensée, en un vers.

1. Un État de pensée[1] de grande énergie, de grande entreprise, de grand Sens, de grand résultat, à double sens ; telle est la Production de Pensée des Bodhisattvas.

Grande énergie, puisqu’il est prêt à l’Initiative[2] pour longtemps malgré la difficulté des épreuves, grâce à la vigueur de son équipement. Grande entreprise, grâce à la vigueur de l’emploi en rapport avec l’équipement. Grand Sens, puisqu’elle a trait au salut de soi et d’autrui. Grand résultat, puisqu’elle aboutit à la Grande Illumination. C’est là sa triple vertu, qui est illustrée respectivement : quant à la vertu d’héroïsme, par deux termes ; quant à la vertu de faire le Sens et à la vertu de recueillir le fruit, ensemble, par deux termes. Double Sens, en tant qu’elle a pour Phénomène[3] la Grande Illumination et l’accomplissement

  1. 1. Cetanâ. Le mot est en rapport d’origine avec citta, pensée pure, inerte ou passive. La cetanâ est un mode du citta, quand il entre en contact avec le monde pratique. Elle est désignée comme l’Auxiliaire contre la dépression et l’exaltation de l’esprit, XVIII, 53, et réunie à ce titre avec l’apathie (upekṣâ).
  2. À la ligne 1 du comm. au lieu de dîrghakâlapralipakṣotsahanât, lire °pratipattyut­sahanât, garanti par le tibétain sgrub-pa et que le tracé même du manuscrit semble aussi attester.
  3. Âlambana. Ce terme admis par le bouddhisme entier (pali : ârammaṇa) n’est pas connu dans les systèmes brahmaniques. Il est tiré de âlamb « être suspendu à », et par suite « dépendre de ; tenir à ; avoir de l’attachement pour ». Le tibétain traduit par dmigs-pa « l’imagination, la fantaisie » ; le chinois par cho-yuen « ce qui est rencontré » (yuen = pratyaya, cf. sup. III, 2). C’est tout ce qui, en rencontrant la pensée pure, fait qu’elle jette une lueur ; l’âlambana disparu, le citta s’éteint. Ainsi l’âlambana est la souillure (kleça) même, XVII, 19. Au reste, l’âlambana est un des quatre pratyaya (M. Vy. § 115) ; il y est classé entre « la rencontre par consécution » (samanantarap°) et « la rencontre par influence » (adhipatip°). « Quand le citta a une apparence de bleu, son air bleu lui vient d’une rencontre d’âlambana qui est le bleu ; la notion qui s’en forme vient d’une rencontre de consécution qui est la sensation antérieure, etc. » (Sarvadarçana