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LA FAMILLE

Quatre signes servent à montrer que la Famille a un rang capital. La Famille est en effet Signe de poussée, de totalité, de grandeur de Sens, de durée à jamais des Racines de Bien. Chez les Auditeurs, les Racines de bien n’ont pas une pareille poussée ; elles ne sont pas non plus totales, puisqu’il y manque les Forces[1], les Assurances[2], etc. ; elles n’y ont pas la grandeur de Sens, puisque le sens d’autrui y manque ; enfin elles n’y durent pas à jamais, puisqu’elles cessent définitivement au Nirvâṇa Sans-reste-Matériel[3].

  1. Bala. Symétriquement aux dix bala des Boudhas (cf. inf. XX, 51), le Mahâyâna attribue aux Bodhisattvas dix forces, à savoir (M. Vy., § 26) : âçayabala « force de tendance » ; — adhyâcaya b° « force d’archi-tendance » ; — prayogab° « force d’emploi » ; — prajñâb° « force de sapience » ; — pranidhânab° « force de vœu » ; — yânab° « force de véhicule » ; caryâb° « force de conduite » ; — vikurvaṇab° « force de transformation » ; — bodhib° « force d’illumination » ; — dharmacakrapravartanab° « force de mise en branle de la roue de la Loi ».
  2. Vaiçâradya. En tibétain mi’jigs-pa « sans peur ». En chinois wou wei, « sans crainte ». Les Bouddhas ont quatre vaiçâradya (v. inf. XX, 52). Le Mahâyâna attribue en outre quatre vaiçâradya aux Bodhisattvas. La M. Vy. (§ 28) en donne une liste fort obscure ; je préfère en emprunter une autre au Dictionnaire numérique chinois, chap. 19 : « Pouvoir retenir. Les Bodhisattvas, en entendant tous les dharma, peuvent constamment les retenir, parce que leur mémoire n’a pas de défaillance, et par suite ils peuvent exposer le dharma dans les assemblées sans éprouver aucune crainte. — Connaître les organes. Les Bodhisattvas connaissent les organes de toutes les créatures, tranchants ou émoussés, et ce qui leur convient en fait d’exposé du dharma, et par suite ils peuvent exposer le dharma dans les assemblées sans éprouver aucune crainte. — Trancher les difficultés, c’est-à-dire trancher et résoudre les difficultés de toutes les créatures. Toutes les questions difficiles qui peuvent se produire, les Bouddhas savent les résoudre selon le dharma et y répondre ; par suite ils peuvent exposer le dharma dans les assemblées sans éprouver aucune crainte. — Répondre, c’est-à-dire répondre aux questions posées en termes correspondants. Toutes les créatures sont libres de leur poser des questions difficiles ; les Bodhisattvas peuvent toujours y répondre selon l’intention, conformément au dharma ; par suite ils peuvent exposer le dharma dans les assemblées sans éprouver aucune crainte. »
  3. Anupadhiçeṣa nirvâṇa. Pour le sens du mot upadhi = « substantiel, matériel », v. XVI, 16. Le tibétain, qui rend upadhi par dṅos « chose, objet » lui substitue dans l’expression anup° un autre mot ; il traduit phuṅ po’i lhag ma med par mya ṅan las ‘das pa « Nirvâṇa sans reste de skandha (phuṅ-po). L’anupadhiçesa nirvâṇa est le Nirvâṇa définitif dans le Hinayâna. Le Mahâyâna lui a ajouté une nouvelle catégorie de nirvâṇa : apratiṣṭhita nirvâṇa « le Nirvâṇa qui n’est pas l’arrêt », parce qu’au lieu de se dissoudre dans la vacuité finale, d’être annulé à tout jamais, on rentre alors délibérément dans la transmigration, dans l’activité, en vue de sauver les autres, mais sans courir désormais aucun risque de contamination dans l’ordre de la connaissance ou de la morale.