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CHAPITRE I

la Tradition[1]. Elle n’a rien de définitif, puisque la façon de comprendre varie avec le temps. Elle manque d’extension, puisqu’elle n’a pas pour domaine tout le connaissable. Elle n’a pour domaine que la vérité Contingente ; elle n’a pas pour domaine le Sens Transcendant. Elle se fatigue, car son Brillant[2] s’épuise. Le Grand Véhicule n’a ni soubassement, etc….. ni fatigue. La preuve, c’est qu’il enseigne de nombreux sûtras comme les Cent Mille [lignes de la Prajñâ-Pâramitâ]. Donc, il n’est pas le domaine de la dialectique.

À propos de l’argument : « Il n’est pas le moyen » [v. 9], on a dit que le Véhicule des Auditeurs ne fait pas des Bouddhas. Mais le Grand Véhicule, comment donc est-il un moyen applicable ? Un vers pour l’établir.

13. La sublimité et la profondeur font la permaturation et l’indifférenciation ; ainsi il prêche les deux, et il est le moyen pour l’Insurpassable.

Par ce vers, qu’est-ce qu’il montre ? Par la prédication en sublimité de pouvoirs, les êtres sont per-mûris, puisque la Croyance[3]

    ceux qui ne voient pas le tattva, est appuyé sur un tout petit peu d’Âgama. » Il a donc lu : adṛṣṭattva ° au lieu de adṛṣṭasatya ° et kiṃcidâyama ° au lieu de kaçcid âgama °. Le chinois dit : « A un appui. C’est que la connaissance se produit en s’appuyant sur renseignement ; ce n’est pas une connaissance d’intuition ». Les deux lectures adṛṣṭasatya et adṛṣṭattva aboutissent en fait au même sens, puisque tattva = satya d’après XI, 78.

  1. Âgama. Ce mot désigne expressément les quatre grands recueils de sûtras admis comme authentiques par les écoles du Hînayâna. Le bouddhisme pâli y substitue la désignation de Nikâya.
  2. Pratibhâna. Le tibétain traduit spohs-pa qui signifie au propre « l’assurance, l’audace ». Le traducteur chinois glose : « la controverse l’épuise et la réduit au silence ». Ailleurs, XVIII, 34, il n’essaie pas davantage de traduire et substitue « la capacité dénoncer par soi-même l’Idéal ). Le même mot paraît en pâli ; Childers l’explique par « l’intelligence ; la présence d’esprit ou l’assurance d’esprit ». Clough le définit comme « la rapidité à répondre à une assertion ». Burnouf (Lotus, 299 et 839) a hésité entre « intelligence » et « sagesse ». Le mot est un exemple de la confusion si fréquente entre le sens de « briller » et celui de « parler » ; il indique à la fois la rapidité de l’esprit et la facilité, le « brillant » de la parole.
  3. Adhimukti. Le mot est spécial à la langue du bouddhisme ; il est étranger au sanscrit brahmanique ; mais il est commun au sanscrit bouddhique et au pâli. Childers le traduit par « inclination, disposition, intention, résolution, volonté, confiance, foi ». Le tibétain le rend toujours par mos-pa qui signifie au propre « inclination, entraînement, respect, adoration ». Le chinois traduit par sin « foi, croyance ». Le mot contient la racine muc, qui implique l’idée de la délivrance, du salut (mukti, moksa, etc.). On serait