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CHAPITRE I

tant qu’il cause la sous-Passivité[1] des trésors du Saint[2], il est comparable à une pierrerie authentique et inestimable. Le connaisseur est, dans l’espèce, le Saint[3].

Mais, dira-t-on, ce Grand Véhicule, il n’est pas la parole du Bouddha ! D’où lui tiendraient donc pareils Avantages ? Les mauvais esprits parlent ainsi. Pour établir que c’est bien la parole du Bouddha, il commence par analyser les raisons.

7. Au début, pas de Prophétie[4] ; développement simultané ; hors de portée ; nécessité logique ; en cas d’existence ou de non-existence, pas d’existence ; Auxiliaire[5] ; autre que la lettre[6].

Au début, pas de Prophétie. Si le Grand Véhicule est une menace pour le Bon Idéal, fabriqué par je ne sais qui dans la suite du temps, comment se fait-il que Bhagavat ne l’a pas prédit dès l’origine aussi bien que les Dangers de l’avenir[7] ? —

  1. Upabhoga. Le verbe bhuj s’oppose à kar « faire », et désigne l’aspect passif de l’action. Pour en traduire les dérivés, j’ai adopté autant que possible des mots tirés du latin pati, puisque « souffrir, subir », et les autres mots analogues en français évoquent des associations trop différentes. — Cf. inf. I, 7 la note sur anâbhoga.
  2. Ârya. Ce mot, en sanscrit aussi bien qu’en pâli, désigne « ceux qui comprennent les quatre vérités sublimes et y conforment leur conduite, par opposition aux hommes ordinaires (pṛthag-jana) qui n’ont pas encore réfléchi sur ces importants sujets » (Burnouf, Introd., p. 290).
  3. Le tibétain et le chinois marquent ici la fin de la première section, intitulée en chinois yuen k’i équivalant à nidâna.
  4. Vyâkaraṇa. Le mot, bien connu dans la langue classique, où il a reçu en particulier le sens de « grammaire, science grammaticale » a pris dans la langue bouddhique une valeur spéciale. Il y désigne spécialement les prophéties prononcées par les Bouddhas, et plus spécialement encore les prophéties qui concernent les naissances à venir d’une personne présente. Cf. inf. XIX 35-37. On en distingue quatre classes (M. Vy. § 86). Le verbe vy-âkar d’où dérive le substantif vyâkaraṇa sert à désigner les décisions canoniques promulguées par le Bouddha ; les questions laissées en dehors du dogme sont a-vyâkṛta ; cf. inf. XI, 24. Pour rendre le verbe et le substantif, le tibétain emploie lun hstan « prescription canonique » (luṅ) est l’équivalent d’âgama) ; le chinois emploie ki « noter solennellement, note ».
  5. Pratipaksa. Tib. gñen-po « antagoniste » ; chin. tche « soigner ». L’opposé en est vipakṣa « l’adversaire ». V. ce mot.
  6. Ruta, tib. sgra « son, bruit », chin. wen, « lettre », désigne dans le sanscrit classique la voix inarticulée, les cris des animaux. Le Mahâyâna, qui dédaigne le sens littéral des Sûtras, lui attribue intentionnellement cette dénomination méprisante. Cf. inf. XVIII, 32 où yathoktasya est glosé par yathârutasyârthasya = vyañjanasya « la lettre ».
  7. Anâgatahhaya. Açoka mentionne déjà dans l’édit de Bhabra un texte religieux sous ce titre. L’aṅguttara Nikâya contient, dans la série des