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LES PREUVES DU GRAND VÉHICULE

les créatures qui vont par le Grand Véhicule. Le locatif sattveṣu est un locatif de Signe[1]… Combien d’espèces d’ornements fait-il ? — Cinq espèces, en montrant la quintuple méthode d’atteindre au Sens, qui est inhérente et qui va à l’Insurpassable. « Inhérente » signifie qu’elle est appliquée à cet Idéal. « L’Insurpassable » signifie la connaissance que rien ne surpasse. Et maintenant il montre cette quintuple méthode dans le second vers.

2[2]. Comme de l’or travaillé, comme un lotus épanoui, comme

  1. Nimittasaptamy eṣâ--gâmi°. Tibétain : la źes bya ba ’di ni chedyin te || thegs pa chen pos ’gro ba’i sems ćan gyi ched du źes bya ba’i tha chig go. La lacune couvre donc le mot mahâyâna ; il faut lire et ponctuer ainsi : Nimittasaptamy eṣâ | mahâyânagâmi°. Sur la nimitta-saptamî, cf. Speijer, Sanskrit Syntax, § 147 et 148. J’ai dans cette expression comme partout ailleurs, rendu nimitta par « Signe », cf. III, 3.
  2. Bu-ston, l’historien tibétain du bouddhisme, passant en revue les cinq çâstras de Maitreya, rapporte cette stance pour définir le but du Sûtrâlaṃkâra. M. Stcherbatzkoi, qui a traduit ce chapitre de Bu-ston Muséon, 1905, II), rend ainsi la stance d’après la version tibétaine : « Cet exposé (du Mahâyâna) évoque en nous une joie suprême, pareil à de l’or ciselé, pareil à une fleur de lotus ouverte, pareil à un repas de mets bien préparés mangé par un homme affamé, pareil à la lecture absorbante d’une lettre, pareil à un écrin ouvert plein de joyaux. » La quatrième comparaison semble avoir été mal saisie. Le tibétain traduit : ’phrin-yig legs pa thos ‘dra « comme une bonne lettre (message) entendue ». La version chinoise qui glose ici comme elle le fait souvent, dit que l’or s’applique à la foi, qui incline et dirige le cœur ; le lotus, à l’enseignement qui l’explique ; le mets à la réflexion, qui obtient la saveur de la Loi ; la lettre, à la pratique, qui n’a plus lieu de réfléchir ; la cassette, à l’évidence, quand les joyaux des Ailes d’Illumination se montrent spontanément.

    Asaṅga reproduit la même série de comparaisons dans un passage curieux de son Yogâcâra-bhûmi çâstra (version chinoise de Hiuan-Tsang, chap. 64 ; éd. Tôkyô XVIII, 4, 16b) où il traite des çâstras au point de vue de la classification des genres, des raisons de composition, etc… Et de plus, quand on y explique exactement le sens des sûtras prononcés par le Tathâgata, c’est ce qu’on appelle Parer les sûtras (sûtralaṃkâra : kouang yen king). Comme le lotus rouge, quand sa fleur n’est pas encore ouverte ; il a beau produire du plaisir, ce n’est pas comme quand il est grand ouvert. Comme de l’or authentique, quand il n’est pas encore ouvré ; il a beau produire du plaisir, ce n’est pas comme quand il a été habilement travaillé. Comme un aliment succulent, quand il n’est pas encore cuisiné ; il a beau produire du plaisir, ce n’est pas comme quand il est cuit. Comme une lettre de bonnes nouvelles qu’on n’a pas eu le temps d’ouvrir encore : on a beau avoir du plaisir à y jeter les yeux, ce n’est pas comme quand on la lit à fond. Comme des joyaux qu’on n’a pas encore pu regarder ; ils ont beau produire du plaisir, ce n’est pas comme quand on a pu bien les regarder et qu’on peut s’en servir. Il en est ainsi du sens des sûtras prononcés par le Tathâgata, tant qu’ils ne sont pas encore expliqués ; ils ont beau produire du plaisir, ce n’est pas comme quand ils sont éclaircis. Voilà pourquoi il dit que composer un çâstra s’appelle « parer les sûtras ».