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CHAPITRE I

Véhicule prêche et prescrit, méthode inhérente à cet Idéal et qui va à l’Insurpassable.

« Il sait le Sens, et il arrange le développement du Sens. » Tel est le point de départ de cet enseignement[1]. Qui est-ce qui orne ? — Celui qui sait le Sens. Quel ornement est-ce qu’il orne ? — Il arrange le développement du Sens. Avec quoi ? — Avec une voix et des mots sans tache. Une voix sans tache, c’est une voix urbaine[2], etc. Des mots sans tache, ce sont des mots bien appliqués, cohérents, etc. Car, sans la voix, sans mots et syllabes, le Sens ne peut pas être développé. Pourquoi ? — Pour sauver du malheur… De quoi fait-il l’ornement ? — De l’Idéal que le Grand Véhicule prêche et prescrit, c’est-à-dire l’Idéal où est prêchée[3] la règle du Grand Véhicule. Pour qui orne-t-il ? Pour

    « grande terre de bien » (kuçalamahâbhûmika), « grande-terre de souillure » (kleçamahâbhûmika), « terre de sous-souillure » (upakleçabhûmika), « terre non-définitive » (aniyatabhûmika) : puis les onze « formes » (rûpa) qui sont les organes et les objets des cinq sens corporels ; puis vingt-quatre « dharma dissociés de la pensée » (cittaviprayukta), où figurent pêle-mêle tous les dharma qui n’ont pas trouvé place ailleurs, le temps, le lieu, le nombre, la naissance, la vieillesse, etc. Ces quatre-vingt-quatorze dharma sont saṃskṛta. Les six asaṃskṛta sont « l’espace » (âkâça), les diverses sortes de « barrage » (nirodha) et « la quiddité » (tathatâ).

    L’ancienne classification des enseignements du Bouddha en deux catégories, dharma et vinaya, me semble mettre en relief la valeur d’intelligible du dharma, combinée avec l’idée de loi. Le dharma et le vinaya sont à eux deux la Loi ; mais le vinaya est la loi de la vie pratique dans la communauté, tandis que le dharma est la loi de la vie intellectuelle, du monde de la pensée.

    Une interprétation tibétaine du mot ćhos (= dharma), fondée sur une espèce de jeu de mots (avec bcos « préparer, raffiner » marque bien aussi la valeur du mot : « Le ćhos, c’est mettre à la discipline (’dul-bar byed-pa ; le mot ’dul-ba = vinaya) son esprit quand il a été bien préparé » [cité par S. C. Das, s. v. ćhos.]

  1. Prakurute… Tibétain : don çes don ston rab tu byed par źes bya ba la sogs pa ni ci źes bstan pa las brcams pa yin no. La lacune doit donc être comblée ainsi : prakurute (ilyâdi) kopadeçam ârabhya, avec un trait de ponctuation devant : ko’laṃkaroti.
  2. Amalayâ vâceti pa… Tibétain : ṅag dri ma med pas źes bya ba ni groṅ khyer pa la sogs pas so. Il faut donc restituer : paurâdina ou paurâdikayâ. La version chinoise est bien conforme à ce texte. — Pour les expressions employées dans ce passage, cf. XII, 7 et 8. Sur yukta = (bien) « appliqué », cf. yuj et ses dérivés à l’Index.
  3. Deçita. J’ai régulièrement rendu ce verbe et les mots qui en dérivent par « prêcher, prédication », etc. Il signifie au propre « indiquer, enseigner », mais il a pris dans le bouddhisme une acception religieuse et solennelle qui appelle comme équivalent un mot emprunté à la langue sacrée.