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INTRODUCTION

« plan de l’idéal » (dharmadhâtu) dégagé de la dualité du sujet et de l’objet. Ce procédé est le chemin de vue ; le chemin de pratique, qui vient ensuite, consiste à rejeter tous les éléments de turbulence par le moyen de la connaissance indifférenciée. La connaissance indifférenciée, au quatrième et dernier stage de l’extase, quand la discussion et le jugement se sont définitivement tus, se réalise dans les pouvoirs magiques des super-savoirs ; aucune activité d’intrusion ne vient paralyser ou gêner la pensée, maîtresse des unions mystiques, des stations brahmiques (bonté, pitié, joie, apathie) ; le Bodhisattva se joue à son aise dans les miracles édifiants. Ces forces nouvelles, il les applique à se mûrir lui-même et à mûrir autrui (VIII) dans l’exercice des six perfections cardinales (don, morale, patience, énergie, extase, sapience) ; mûrir, c’est pacifier les idéaux qui sont contraires au salut et mettre en service ceux qui aident au salut. Cette tâche définitivement achevée, la pensée est prête pour l’illumination (IX). J’ai déjà signalé (sup., p. xx) les caractères essentiels de l’illumination ; Asaṅga emploie toutes les ressources de son génie à enserrer la définition. Etant la connaissance universelle, elle est identique à l’univers, puisque toute connaissance est identique à son objet ; elle est donc tous les idéaux, et pourtant elle n’est pas un idéal elle-même. Elle est la quiddité (tathatâ) suprême, et le « summum quid » tout pur, mais elle n’est pas pourtant le total des quiddités inférieures ; elle les contient sans y être absorbée. La pensée n’y parvient que par une révolution intégrale qui la transforme et la sublime, jusque dans la notion d’espace, la plus pure cependant et la plus universelle, et qui en élimine tout élément de différenciation, L’illumination a une sorte d’hypostase dans « le plan sans-écoulement » (anâsrava-dhâtu) où résident les Bodhisattvas et qui n’est autre que la quiddité des idéaux (dharmatathatâ). Mais l’illumination une fois posée avec les étapes de l’ascension qui y conduit, comment s’expliquer qu’elle réagisse en sens inverse dans la direction des phénomènes ? Le Grand Véhicule qui a créé la difficulté en admettant l’activité éternellement bienfaisante des Bouddhas, la résolue par la doctrine des trois corps : le corps d’idéal, qui est le corps essentiel : le corps passionnel, qui sert aux actes de passivité de l’idéal au milieu des fidèles ; le corps métamorphique, qui sert aux manifestations d’apparence concrète. Mais, au fond, toutes ces distinctions ne sont que le jeu de l’illusion par quoi