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INTRODUCTION

avait longtemps suffi à régler la vie ; les récits et les contes édifiants, à charmer les loisirs et à bercer l’imagination. Désormais on voulait comprendre. Ce n’est point un hasard si la métaphysique du bouddhisme se dégage pour la première fois au cours d’une controverse entre un docteur de l’Église et le Grec Ménandre, roi de Bactriane. Le livre fondamental du Grand Véhicule, c’est la Perfection de la Sapience (Prajñâ-pâramitâ) sœur jumelle de la Sophia et de la Gnose de l’Asie grecque. La doctrine des Trois Corps des Bouddhas, dogme essentiel de la nouvelle église, qui surgit tout à coup sans antécédents, semble aussi trahir des influences étrangères. La conversion des envahisseurs barbares, l’expansion impétueuse de la foi imposent alors d’autres devoirs ; l’Église est devenue une force active ; elle n’a plus rien à faire des reclus, héritiers attardés d’un passé disparu. Agir est l’unique mot d’ordre. On assiste à ce spectacle, contradictoire comme la vie et en harmonie avec elle, d’une religion fondée sur le néant et qui porte au paroxysme les vertus pratiques.

La raison cependant proteste contre une solution trop illogique. Asaṅga. pour la satisfaire, tente un nouvel effort. Les temps sont favorables. L’Inde s’est ressaisie ; elle a dégagé de son anarchie chronique un grand empire national, sous la dynastie des Guptas. et maintenant, des apports étrangers qui l’avaient fécondée, elle dégage un art national, une littérature nationale. Un siècle classique s’ouvre. Et c’est aussi, si l’on peut dire, une doctrine nationale qu’Asaṅga vient lui offrir. Non qu’il répudie les influences du dehors ; né et formé au Gândhâra. il est en contact direct avec le monde iranien qu’une révolution religieuse agite et bouleverse. Du zoroastrianisme restauré par les Sassanides, du judaïsme et du christianisme propagés par un apostolat incessant. Manès vient de tirer une religion véritablement séduisante, qui vise et atteint la raison comme l’imagination. Il est permis de penser que le rôle des souillures et du nettoyage chez Asaṅga est un reflet du manichéisme. Et d’autre part, la doctrine des dharmas, caractéristique de l’école d’Asaṅga, évoque nécessairement le souvenir des Intelligibles enseignés par les néo-platoniciens à partir du iiie siècle et accueillis avec tant de faveur par l’hellénisme asiatique.

Mais c’est au plus profond du sol indien que le fondateur du